Le rapport de Frédéric Thiriez concernant la réforme de la haute fonction publique a été remis le 18 février 2020 au 1er ministre. Ce document vise le décloisonnement de la haute fonction publique, la diversification du recrutement et le dynamisme les carrières.
Ses 42 propositions portent précisément sur la formation professionnelle, le déroulement de carrière, les conditions d’emplois et de mobilité, de recrutement et de rémunération des cadres dirigeants des collectivités locales.
Si certaines propositions concernent l’organisation et le fonctionnement du Centre Nationale de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) et de l’Institut National des Etudes Territoriales (INET), c’est la place des cadres dirigeants et des cadres de direction dans les collectivités territoriales qui sont aussi impactées.
En témoignent la transformation de l’INET en Etablissement Public Administratif (EPA) séparé du CNFPT et la création d’un GIP regroupant l’INET avec les écoles des administrations centrales pour les transformer en « business school ». Cette proposition nie la spécificité de l’INET dans l’accompagnement des cadres territoriaux pour mettre en œuvre des missions d’encadrement stratégique, de gestion des organisations, des politiques publiques locales, la prospective. C’est une mise sous tutelle.
42 propositions qui renforcent les inégalités d’accès aux emplois de cadres dirigeants
Ces propositions portent atteinte à la libre administration des collectivités locales et à la souveraineté du Conseil d’administration du CNFPT.
Elles sont préjudiciable à une conception unifiée de la formation professionnelle des cadres territoriaux et plus particulièrement des cadres dirigeants et de direction. La CGT réaffirme la nécessité de renforcer une formation initiale et continue des cadres territoriaux imprégnées de valeurs républicaines de service public et de respect du Statut de la Fonction publique.
La CGT tient au maintien d’une conception de la formation professionnelle délivrée par le CNFPT – établissement public paritaire et national – pour les agents publics de toutes les collectivités territoriales. Il s’agit de garantir l’égalité de traitement des fonctionnaires pour se former tout au long de sa vie. L’INET doit rester l’outil spécifique des cadres territoriaux (notamment dirigeants et de directions) pour développer des parcours qualifiants et la promotion sociale dans la carrière.
Pour la Fonction publique territoriale, le risque de la liquidation d’une culture commune de service public et une scission parmi les cadres de catégorie A
La CGT constate aussi que les principes d’unité de de gestion et déroulement des carrières, des rémunérations des agents de catégorie A sont aussi remis en cause avec :
- Le recours à l’emploi contractuel afin de faire disparaitre la culture territoriale et liquider la référence aux qualifications professionnelles !
- La création de classes préparatoires intégrées et d’un concours spécial « égalité des chances » stigmatisant encore plus les jeunes issus de milieux sociaux dévalorisés
- La création d’une catégorie A+ et le transfert de l’organisation des concours du CNFPT à l’INET accentueront la fracture statutaire entre les agents de catégorie A à même niveau de qualification (BAC+3, BAC+5) alors que la catégorie A tous grades confondus continue à ne représenter que 9,7% des personnels territoriaux !
- La fusion des statuts particuliers des administrateurs et des ingénieurs en chef territoriaux qui provoquera d’une part une déséquilibre entre les versants et d’autre part dans la FPT une scission avec les autres filières (culturelle, médico-sociale, SPP) et les autres cadres d’emplois de catégorie A (conservateurs de bibliothèques et du Patrimoine, médecins, vétérinaires, pharmaciens, colonels…) à même niveau de qualification (BAC+5, BAC+8) ;
- La création d’un Centre national de gestion (CNGFPT) pour les carrières des cadres A sur emploi fonctionnel en fin de parcours professionnel ou en cas d’alternance politique. Encore une proposition particulière et une conception étriquée de la mobilité alors que la problématique concerne l’ensemble des cadres territoriaux ;
- Une revalorisation de la part résultat des rémunérations accessoires (CIA) qui visent à assujettir davantage les cadres territoriaux ;
Sous couvert de nécessité de rapprocher les cadres dirigeants des administrés, le rapport Thiriez propose donc de substituer l’idéologie libérale du secteur privé (performance, rentabilité, lean management) aux principes de la Fonction publique (indépendance, éthique, responsabilité, efficacité sociale).
Les collectivités locales ne sont pas des entreprises. Le rôle des cadres dirigeants est de viser l’efficacité sociale des politiques publiques. Il relève de l’incantation de croire que cette perméabilité accrue entre les collectivités territoriales et le secteur privé, fondée sur l’idée qu’il faudrait gérer les administrations comme des entreprises, serait bénéfique pour la modernisation et la qualité du service public de proximité. Les externalisations, les privatisations et l’application du lean management nous prouvent chaque jour le contraire.
La conception d’une haute fonction publique révèle une volonté d’inféoder l’encadrement supérieur. La séparation entre A et A+ reste artificielle compte tenu du niveau de qualification des cadres territoriaux. Il est encore courant qu’un cadre de direction soit un attaché ou attaché principal, ingénieur ou ingénieur principal compte tenu de la grande diversité des collectivités territoriales.
La CGT rappelle aussi que dans toutes les filières professionnelles, les fonctions d’encadrement hiérarchique sont désormais aussi importantes que les fonctions d’expertise. Or, nous constatons un déficit de valorisation alors qu’il y a nécessité de garantir l’unité de la catégorie A et la reconnaissance d’un statut de l’encadrement public/privé.
Malgré une demande écrite, la Fédération CGT des services publics déplore qu’elle n’ait pas été auditionnée. Cet oubli est révélateur d’une certaine conception du dialogue social. Le rapport Thiriez aurait pu aussi s’inspirer des rapports du CSFPT notamment « Pour une revalorisation de la catégorie A » qui a obtenu l’unanimité des deux collèges.
Montreuil, le 21 février 2020